Effervescence sociale dans l’assurance

De nouveaux statuts vont s’appliquer aux salariés d’AG2R La Mondiale, Covéa ou encore la Macif. Un enjeu de modernisation selon les directions.

L’agenda social est chargé en ce début d’année pour certains grands acteurs de l’assurance et de la protection sociale. Un des sujets phares porte sur l’arrivée de nouveaux statuts pour les salariés. Temps de travail, congés, organisation des services, rémunération, fin de carrière, formation…, tous ces thèmes sont négociés entre les DRH et les partenaires sociaux dans l’idée d’unifier leur fonctionnement. « Des groupes comme AG2R La Mondiale ou Covéa ont hérité, par leur histoire, de statuts très différents pour leurs personnels. De fait, cela a une incidence forte sur la gestion RH ; sur les mobilités internes, par exemple, qui peuvent être freinées si les décalages de statuts sont trop importants : horaires de travail, primes commerciales ou de déplacement, etc., relèvent Vincent Meslin, associé assurance chez Siltéa, et Yaël Rawat, manager. L’évolution de ces statuts dans le sens d’une harmonisation s’inscrit aussi dans un contexte où ces entreprises veulent rationaliser leurs coûts de gestion RH et consacrer temps et budget aux véritables enjeux de développement RH. Cela ne veut pas dire que les avantages des salariés ne seront pas préservés, le dialogue social est justement là pour parvenir à un certain équilibre. »
 

Dialogue au long cours


Ainsi, chez AG2R La Mondiale, de longues négociations au niveau du groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica, qui emploie 8.000 collaborateurs, ont abouti en juin 2016 à la signature de plusieurs accords : sur le temps de travail et la rémunération, sur le régime de frais de santé et de prévoyance, et sur les dispositifs de fin de carrière. La plupart des nouvelles dispositions sont entrées en vigueur dès le 1er juillet 2016, tandis que celles relatives au temps de travail sont effectives depuis le 1er janvier 2017. « Les accords conclus en 2016 ont permis de construire un nouveau socle social, déclare Paule Arcangeli, DRH d’AG2R La Mondiale. Nous voulions parvenir à un nouveau statut économiquement et socialement équilibré. L’objectif n’est évidemment pas de tirer un trait sur 60 ans d’histoire mais le cumul de tous les anciens statuts était trop coûteux. » « FO n’a signé qu’un seul accord sur les trois : celui sur les régimes de santé et prévoyance, souligne Jocelyne Kimmel, déléguée syndicale centrale FO (qui représente 16,5 % des salariés) chez AG2R Réunica. Autrefois, les personnels des sociétés absorbées par AG2R étaient alignés sur le statut AG2R. Là, ce n’est pas le cas : tous les statuts sont tombés, les négociations sont parties de zéro et, au bout du compte, un certain nombre d’avantages, notamment sur le plan de la rémunération, ont été perdus… » La mise en pratique de ces accords n’est pas simple au sein du groupe de protection sociale où une commission de suivi et d’interprétation a été créée pour que les syndicats puissent poser des questions à la direction sur certains points (jours de récupération, congés enfant malade, horaires des cadres au forfait jours…).


Chez Covéa, un dialogue social s’est aussi engagé afin de réunir tous les salariés sous un seul et même statut. Six conventions collectives différentes existent au sein du groupe mutualiste qui rassemble la GMF, la Maaf et MMA, et où travaillent plus de 21.000 collaborateurs. « Six conventions différentes, et donc autant de statuts, pointe du doigt Eric Garreau, délégué syndical central à la CFDT Covéa (qui représente 40 % des salariés). Ce qui complique le fonctionnement du groupe, notamment en termes de mobilités internes. Il y a aussi différents temps de travail selon les structures de Covéa. » « Le chantier des négociations sur le statut commun a débuté en 2015, poursuit le syndicaliste. Il a d’abord fallu créer une unité économique et sociale (UES) au niveau de Covéa avec un accord signé fin 2015 par la majorité des organisations syndicales représentatives. Le vrai coup de départ a été donné en septembre 2016 après plus  de neuf  mois d’échanges sur l’état des lieux de l’existant dans les différentes entreprises de l’UES. » Les grands sujets RH ont été, là aussi, passés en revue les uns après les autres : la santé et prévoyance, le temps de travail, la rémunération, les collaborateurs itinérants, les dispositifs de reconnaissance et de valorisation des collaborateurs, l’intéressement et la participation… A la mi-décembre 2016, une synthèse de toutes ces thématiques a été réalisée avant que chaque syndicat (la CFDT, la CGT, l’Unsa, la CFE-CGC et la CFTC sont à la table des négociations) précise sa position. « Depuis début janvier 2017, nous sommes dans l’étape de revue de la première phase de négociations, autrement dit les organisations syndicales relisent tous les accords, thème par thème, et donnent un avis dessus, raconte Eric Garreau. Cette revue devrait prendre fin début février. Quant à la signature finale, elle devrait avoir lieu en mai 2017. »


Du côté de la Macif où les 10.000 salariés dépendent aussi de conventions collectives distinctes selon leur métier (convention de la mutualité, de l’assurance, de la banque…), la naissance du nouveau modèle social (NMS) est prévue pour le 1er janvier 2018. « Les négociations et discussions autour de notre nouveau modèle social devraient durer un an et nous avons d’ailleurs un accord de méthodologie sur ce délai, indique Benoît Serre, DRH du groupe mutualiste. Notre souhait est de faire évoluer le modèle de fonctionnement social et humain du groupe dans un contexte où les habitudes des consommateurs, comme nos métiers, changent. Nos statuts actuels doivent être adaptés pour davantage prendre en compte les évolutions du monde contemporain tant pour les salariés qui veulent plus d’autonomie que pour les sociétaires clients qui veulent plus de services. »
 

Passage aux 35 heures


Entamé en septembre 2016, le dialogue social devrait s’achever à l’automne prochain « autour d’un accord de balayage, qui s’assurera de l’équilibre du contrat social entre service aux sociétaires, qualité de vie au travail et innovation, précise le DRH. Les négociations portent sur cinq grandes thématiques : l’organisation et le temps de travail, la politique de rémunération, la formation et l’employabilité, la qualité de vie au travail et l’engagement social et sociétal des collaborateurs ».
 

Certains sujets sont sensibles. Le temps de travail par exemple, que la direction de la mutuelle d’assurance souhaite aligner sur la durée légale du temps de travail, soit 35 heures hebdomadaires, au lieu de 31 heures 30 actuellement. « Cela se fera dans le temps, progressivement et sûrement pas de façon brutale, assure Benoît Serre. D’autre part, nous avons toujours affirmé auprès des organisations syndicales que cette hausse du temps de travail serait effectivement compensée. Les collaborateurs pourraient d’ailleurs choisir le mode de compensation (salaire, temps, épargne entreprise…) car tous n’ont pas les mêmes besoins en fonction de leurs moments de vie. La nature et les formes de cette compensation sont en cours de discussions en ce moment. » « Nous ne voulons pas toucher au temps de travail ! », tonne Virginie Demiselle, déléguée syndicale groupe à la CGT Macif (2e syndicat avec près de 33 % des salariés tous collèges confondus*), en rappelant que son syndicat prône la semaine de 32 heures au niveau national.
 

Chez Klésia où travaillent 3.500 salariés, si l’heure n’est pas à la création d’un nouveau contrat social unifié, la gestion de différents statuts sociaux est néanmoins à l’ordre du jour. « Nous préparons le rapprochement avec deux sociétés : la Mutuelle civile de la défense (la MCDef) qui va nous rejoindre en avril 2017, et l’UMC en juillet 2017 », dévoile Jean de Villèle, DRH du groupe de protection sociale. Leurs salariés relèvent de la convention collective de la mutualité. « Ce type d’intégration se prépare bien entendu très à l’avance, notamment par le biais du dialogue social. Pour ces deux sociétés, les personnels des lignes métiers seront toujours régis par la convention de la mutualité tandis que ceux des fonctions supports dépendront de notre convention, celle des institutions de retraite complémentaire. Dans ces situations, lors de la négociation, nous procédons d’abord à une analyse des écarts de statuts pour harmoniser les statuts. C’est un exercice classique. » Classique certes, mais aussi délicat.


L'AGEFI 26/01/2017

 



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