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EGALITE HOMMES-FEMMES Après le Sénat le 17 septembre 2013, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture, le 28 janvier 2014, le projet de loi pour l`égalité réelle entre les femmes et les hommes. On trouvera ci-après les principales modifications apportées au texte soit en commission, soit par les députés. La date de son examen en seconde lecture par le Sénat n'est pas encore arrêtée. Mesures en faveur des femmes Négociation collective Négociation annuelle unique sur l'égalité Afin de simplifier les obligations de négociation relatives à l'égalité professionnelle, les sénateurs ont posé le principe d'une négociation annuelle unique et globale, au niveau de l'entreprise, sur les objectifs d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre (en remplacement des deux négociations spécifiques, l'une relative à l'égalité professionnelle visée à l'article L 2242-5 du Code du travail, l'autre relative à l'égalité salariale visée à l'article L 2242-7). Actuellement, la négociation sur l'égalité professionnelle doit porter sur les conditions d`accès à l'emploi, à la formation et à la promotion, sur les conditions de travail et d'emploi et en particulier sur celles des salariés à temps partiel et sur l'articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales. Par un amendement adopté en commission, les députés ont décidé d`ajouter, dans le cadre de la négociation annuelle unique, comme thème de négociation le déroulement de carrière. Par ailleurs, le terme «responsabilités familiales ›› serait remplacé par le terme « vie personnelle ››, jugé moins restrictif. Négociation de branche En l'état actuel du droit, la négociation triennale de branche en matière d'égalité professionnelle visée à l'article L 2241-3 du Code du travail doit permettre de prévoir les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées. Tel n`est pas le cas de la négociation annuelle de branche relative aux salaires et visée à l'article L 2241-1 du même Code qui envisage uniquement la prise en compte de l`objectif d'égalité professionnelle. Afin de mieux articuler ces dispositifs, un nouvel article 6 bis adopté par les députés modifierait l'article L 2241-3 afin que la mise en œuvre des mesures de rattrapage portant sur les salaires définies dans le cadre de la négociation triennale sur l'égalité soit effectivement suivie dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires. L'article L 2241-7 prévoit que la négociation quinquennale de branche sur les classifications doit prendre en compte l’objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Issu d'un amendement adopté en commission, l'article 2 C du projet de loi prévoit d'imposer aux partenaires sociaux de prendre également en compte l'objectif de mixité dans l’emploi. Interdiction de soumissionner aux marchés publics L'article 3 du projet relatif à l'interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises condamnées pour discrimination ou ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité professionnelle a été modifié en commission. Serait notamment supprimée l'extension de l'interdiction aux entreprises n'ayant pas mis en œuvre la négociation annuelle obligatoire visée à l'article L2242-8 du Code du travail relative notamment aux salaires effectifs, à la durée et à l'organisation du travail. La commission a en effet estimé que cette mesure, ajoutée par les sénateurs en 1° lecture, dépassait le strict cadre de l'égalité hommes-femmes et ne serait pas conforme au droit de l'Union européenne, plus spécifiquement à l'article 45 de la directive 2004/18ICE du 31 décembre 2004 relative aux marchés publics. Par ailleurs, les députés ont prévu d'élargir aux contrats de partenariat et aux délégations de service public l'interdiction de soumissionner, initialement prévue pour les marchés publics et les concessions de travaux publics. Évaluation des risques sur la santé Aux termes de l'article L 4121-3 du Code du travail, l'employeur est tenu d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, et dans la définition des postes de travail. Selon un nouvel article 5 quater A, issu d'un amendement adopté en commission, l'évaluation de ces risques devrait tenir compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe. Formation professionnelle continue Les députés ont ajouté au projet, par voie d'amendement, un nouvel article 2 H visant à compléter la liste des catégories d'actions de formation prévues par l'article L 6313-1 du Code du travail. Ainsi, seraient intégrées à cette liste les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Conciliation vie privée-vie professionnelle Prestation partagée d’éducation de l’enfant La commission et les députés ont quelque peu modifié l'article 2 du projet qui prévoit le partage entre les deux parents du complément de libre choix d'activité (CLCA) pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1°'juilIet 2014. Le nom de cette prestation, une première fois rebaptisée « prestation partagée d'accueil de l'enfant ›› (PPAE) par les sénateurs, deviendrait la « prestation partagée d'éducation de l'enfant ›› (en abrégé, la « Prépare ››). Cette prestation serait versée à l’un des parents pendant une période fixe initiale qui serait définie par décret (6 mois pour les familles avec un enfant, 30 mois pour les familles ayant 2 enfants ou plus, selon l'exposé des motifs). L'autre parent pourrait bénéficier de la prestation pour une durée supplémentaire à fixer également par décret (et qui devrait être de 6 mois), jusqu'à œ que l'enfant atteigne un âge limite (un an pour les familles avec un enfant, 3 ans pour les familles avec 2 enfants ou plus). Quatre modifications seraient apportées au dispositif initial adopté au Sénat. Le droit à la prestation n’étant pas automatique mais subordonné à l’exercice d’une activité antérieure, le partage de la prestation entre les deux parents ne pourrait avoir lieu que lorsque ces deux parents sont éligibles à la prestation. Afin de garantir une durée de 6 mois de « Prépare » à la mère d’un premier enfant, la période postnatale du congé maternité indemnisée par l’assurance maternité ne s’imputerait pas sur cette durée de 6 mois. Cette période en revanche serait prise en compte à partir de la naissance du 2ème enfant, lorsque la prestation est versée pour 30 mois (et ce, afin d’éviter que la période de partage de 6 mois pour le deuxième parent ne soit réduite). En cas de naissance ou d'adoption de triplés, la prestation est attribuée jusqu'au 6€ anniversaire des enfants. Le projet de loi prévoit d'aligner la durée du congé parental d'éducation sur celle du versement de la prestation dans cette situation. Ainsi, l'article L1225-48 du Code du travail serait modifié et prévoirait qu'en cas de naissances ou d'adoptions multiples d'au moins 3 enfants, le congé parental pourrait être prolongé 5 fois pour prendre fin au 6e anniversaire des enfants. Enfin, selon un article 2 bis E adopté en commission et voté par les députés, l'État pourrait prévoir, à titre expérimental dans certains départements dont la liste serait fixée par arrêté, de verser le montant majoré de la « Prépare ›› aux parents de 2 enfants. Actuellement, ce dispositif (le Colca) qui consiste à verser une prestation plus élevée pour une durée plus courte (1 an) aux parents cessant totalement leur activité, ne s'applique qu'aux seuls parents ayant au moins 3 enfants à charge. Cette expérimentation serait conduite pour 18 mois à compter de la publication de l'arrêté mentionné ci-dessus qui interviendrait, au plus tard, le 1er juillet 2014. Expérimentation du tiers payant pour le complément de libre choix du mode de de garde L'Assemblée nationale a validé la réécriture par sa commission des lois de l'article 6 septies du projet de loi dont l’objet est de permettre, à titre expérimental, aux organismes débiteurs des prestations familiales de verser, selon le mode du tiers-payant, le complément de libre choix du mode de garde directement à l'assistant maternel et non pas aux parents employeurs. Cette nouvelle rédaction prévoit la conclusion d'une convention tripartite, incluant le parent employeur, là où le texte adopté par le Sénat prévoyait une convention entre l'assistant maternel et l'organisme débiteur des prestations familiales. L’obligation faite à I ‘assistant maternel d'accueillir le ou les mineurs aux horaires spécifiques de travail de l`employeur, en urgence ou sur des périodes de très courte durée, si les conditions d'accueil le nécessitent, n'a pas été reprise. Enfin, la durée de l’expérimentation, par cohérence avec d'autres dispositifs expérimentaux contenus dans le projet de loi, serait de 18 mois (et non 2 ans comme prévu par le Sénat) et prendrait ainsi fin au plus tard le 1°'janvier 2016 (et non plus le 1°'juillet 2016). Discrimination La commission a estimé que, comme nous l'avons nous-même souligné dans notre présentation, le motif actuel de situation de famille contenu à l'article L 1132-1 du Code du travail permet d'ores et déjà de lutter contre les discriminations qui pourraient affecter un salarié faisant l'usage de ses droits aux congés parentaux. Elle a donc supprimé l'article 5 bis adopté par le Sénat en première lecture qui prévoyait d'ajouter « l'utilisation des droits en matière de parentalité ›› à la liste des discriminations interdites visée au texte précité. Mesures en faveur des pères Un nouvel article 2 bis A, issu d'un amendement de la commission, a été introduit dans le projet de loi afin d'accorder aux hommes salariés une protection contre le licenciement pendant les 4 semaines suivant la naissance de leur enfant. Leur contrat de travail ne pourrait en effet être rompu pendant cette période que si l'employeur justifiait d'une faute grave de l'intéressé ou de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail. Un nouvel article 2 bis B. issu d'un amendement de la commission, prévoit d’autoriser le conjoint, partenaire ou compagnon salarié d’une femme enceinte à s’absenter pendant les heures de travail pour se rendre à 3 trois examens médicaux obligatoires de suivi de la grossesse. Sont notamment visées les échographies. Autres mesures Harcèlement L'Assemblée nationale a adopté sur amendement proposé par la commission, un nouvel article 12 bis AA qui prévoit d'insérer dans le Code pénal un nouvel article 222-33-2-2 créant un délit général de harcèlement. Cette mesure vise à réprimer les faits de harcèlement moral commis dans toutes les circonstances de la vie, y compris hors du cadre professionnel, et en particulier le « cyber-harcèlement ››, notamment entre adolescents. Elle se substitue à l'article 17 quater que le Sénat avait adopté en première lecture et propose une définition différente de ce nouveau délit assorti de peines graduées. Constituerait un tel délit le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une dégradation de sa santé physique ou mentale. La dégradation de la santé de la victime serait un élément constitutif de ce délit. Les peines encourues par leur auteur, qui varieraient selon la gravité des faits et leurs conséquences, seraient de : - 1 an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende lorsque les faits n'ont pas entraîné d'incapacité de travail ou une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours ; - 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende si les faits sont commis avec une circonstance aggravante (notamment lorsque les faits ont entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours, s'ils sont commis sur une personne particulièrement vulnérable, ou au moyen d'un service de communication au public en ligne). - 3 ans d'emprisonnement et 45 O00 euros d'amende s'ils sont commis avec 2 circonstances aggravantes. Dans le cadre professionnel, le harcèlement moral est déjà puni de 2 ans de prison et de 30 000 euros d'amende (C. pén. art. 222-33-2). Le nouveau texte, s'il est définitivement adopté, pourrait justifier l'application de sanctions plus sévères. Par exemple si le harcèlement vise une personne particulièrement vulnérable et cause une incapacité de travail supérieure à 8 jours, l'auteur des faits risquerait 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende. Par ailleurs, le nouvel article 12 bis B adopté sur proposition de la commission prévoit de renforcer les obligations de l’employeur en matière de protection de leurs salariés contre le harcèlement sexuel. L'article L 1153-5 du Code du travail serait ainsi complété afin de l'obliger expressément à mettre un terme à de tels faits et à les sanctionner. Temps de déplacement entre deux lieux de travail L'article 2 F du projet de loi prévoit de modifier l'article L 3121-2 du Code du travail, afin que les temps de déplacement entre deux lieux de travail pour le même employeur sur une même journée se voient appliquer le même régime que les temps de pause ou de restauration. Ainsi, ces temps de déplacement seraient considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet d’une rémunération conventionnelle ou contractuelle. L'objet de l'article 2 F, issu d'un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale, est de remédier à la situation constatée dans certains secteurs - services à la personne notamment - ou les femmes cumulent chaque jour des emplois de quelques heures auprès du même employeur, sans que leurs temps de parcours soient comptabilisés et alors que les coûts de transport « effacent ›› une partie de leur rémunération. Il s'agirait de contraindre les employeurs concernés à respecter la jurisprudence de la Cour de cassation considérant comme du temps de travail effectif les temps de déplacements entre deux lieux de travail. Compte épargne-temps L'article 5 du projet de loi prévoit d'expérimenter la convertibilité des heures du compte épargne-temps des salariés en chèques emploi service pour financer des prestations de service. L'Assemblée nationale a adopté cet article dans la rédaction proposée par sa commission des lois aux termes de laquelle la possibilité de conversion serait limitée à la moitié des droits affectés sur ce dispositif. Il s'agit par-là d'éviter qu'une monétisation excessive ne détourne le compte épargne temps de son objectif initial qui, selon l'article L 3151-1 du Code du travail, est de permettre au salarié d`accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées. |