La Fédération française de l'assurance, nouveau poids lourd du patronat français

Sociétés d'assurance et mutuelles se rassemblent ce vendredi en une Fédération française de l'Assurance, une des premières fédérations patronales

La fin d'une histoire pour le mutualisme ? Ce vendredi 8 juillet, la nouvelle Fédération française de l'assurance (FFA) va être portée sur les fonts baptismaux. Les sociétés d'assurance mutuelle, jusqu'à maintenant regroupées au sein du Gema, renoncent à une représentation indépendante, à côté des assureurs « capitalistes » de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA). Sous la houlette de Bernard Spitz, président de la FFSA depuis octobre 2008, et désormais à la tête de la nouvelle FFA, sociétés d'assurances, mutuelles et bancassureurs vont désormais avancer de concert, et parler d'une seule voix. L'organigramme de la nouvelle structure ménage bien sûr ces sensibilités : aux côtés du président Spitz, siègeront trois vice-présidents, désignés pour trois ans, représentant chacun de ces trois groupes d'assureurs,  concurrents, mais aux intérêts convergents, dès lors qu'il s'agit de défendre la profession. Jacques Richier, PDG d'Allianz France, représentera les sociétés d'assurance, Pascal Demurger, directeur général de la Maif,  les mutuelles et Pierre Villeneuve, PDG de BNP Paribas Cardif, les bancassureurs.

Pour Pascal Demurger, ce regroupement-fusion correspond à la fois une « nécessité » et à une « évidence ». Nécessité, parce qu'il devenait inopérant pour les mutuelles de porter auprès des régulateurs -à Paris, à Bruxelles-, un message identique à celui de leurs collègues de la FFSA. Une évidence, sans doute parce que les différences entre ces acteurs se sont largement estompées, au fil du temps.

Des pratiques partagées

Les mutuelles ont été créées sur une base professionnelle, en réaction à la prédominance de sociétés d'assurance aux tarifs élevés pour un service parfois contestable. Aujourd'hui, les pratiques sont largement partagées, que ce soit en assurance auto ou habitation. Qui se souvient de la création de la Mutuelle d'Assurance Automobile des Instituteurs de France (Maaif), par 156 instituteurs, à Fontenay le Comte, au printemps 1934 ? La réussite de l'assurance « des instits » a inspiré la création de la Macif par les artisans et commerçants, en 1960 et la Matmut (1961), lesquelles ont d'ailleurs reçu le soutien logistique de la Maaif.

Le militantisme était alors la marque de la mutuelle. Notamment à la Maaif, devenue Maif en 1969. Dans chaque département, des instituteurs en retraite ou en disponibilité soutenaient non pas les clients mais les « sociétaires », se déplaçant pour venir débrouiller les cas difficiles, en cas d'accident ou de dégât des eaux. Chaque année, ces sociétaires se rendaient nombreux à des assemblées générales, pour approuver la gestion de leur mutuelle, et en désigner régulièrement les dirigeants parmi les « instits militants ».

Ce fonctionnement a totalement vécu. Les « instits » présents dans chaque département ont disparu, laissant la place à des centres de gestion par grande région, largement impersonnels. C'est désormais, comme dans toute compagnie d'assurance, un expert indépendant, plus ou moins compétent, qui est chargé d'évaluer le préjudice subi par le sociétaire, plutôt devenu un client.

Que reste-t-il alors comme différence avec une société d'assurance ? En théorie, une certaine démocratie interne. Mais les assemblées générales sont largement désertées. Et le pouvoir du président élu de la Maif ou des autres mutuelles tient surtout de l'apparence. Ce sont les directeurs généraux, non élus, qui prennent en réalité les décisions. Les valeurs de solidarité mutualiste ? Certains sociétaires peinent à les percevoir encore. Ce qui différencie encore vraiment les sociétés d'assurance mutuelles des assureurs traditionnels, c'est l'absence d'actionnaire à rémunérer. Ce qui est loin d'être neutre, mais ne change pas fondamentalement le modèle.

Nouvelle géographie patronale

Voilà pourquoi les mutuelles n'ont aucune peine à se fondre aujourd'hui dans un ensemble présidé par un représentant des sociétés d'assurances « capitalistes ». Le mouvement n'est pas neutre symboliquement, il ne l'est pas non plus du point de vue de la géographie patronale. Comme le soulignait le spécialiste de l'histoire sociale François Charpentier dans un texte publié par La Tribune, le patronat en France a été « traditionnellement divisé en deux camps ».

D'un côté, appelons-les les "paritaires", autrement dit les grandes fédérations d'industries emmenées par l'UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie) qui, depuis la fin de la loi Le Chapelier et la reconnaissance des syndicats en 1884, pensent que la paix sociale dans l'entreprise passe par un dialogue social nourri avec les syndicats. De l'autre, il y a les "marchands", autrement dit un patronat du tertiaire, notamment de la banque et des assurances, qui ne supporte pas les entorses à la concurrence octroyées aux entreprises et les "cadeaux" lâchés aux salariés au titre de la paix sociale.

La création de la Fédération française de l'assurance, qui ressemble fort à une FFSA renforcée par l'apport des mutuelles, contribue à faire bouger les lignes habituelles : le camp des « marchands » gagne encore en puissance, d'autant que cette nouvelle FFA pourrait devenir la première fédération patronale siégeant au Medef.

 Les mutuelles 45 à part

Reste que les choses ne sont pas si simples (on est en France....). Les mutuelles santé dites 45, relevant du code de la mutualité, restent au sein de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), et ne sont pas près de rejoindre Bernard Spitz.
La Tribune 08/07/2016
 



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