L'employeur peut consulter les SMS échangés par le salarié sur son téléphone portable professionnel


Cass. com 10-02-2015 n° 13-14.779 (n°181 FS-PB)
Cass. avis 13-11-2014 n° 1314779

 

Les SMS envoyés ou reçus par un salarié au moyen de son téléphone portable professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel, ce qui autorise l'employeur à les consulter librement s'ils n'ont pas été identifiés commes personnels.


Deux sociétés de courtage d'instruments financiers étaient en litige, l'une reprochant à l'autre d'avoir provoqué la désorganisation de son activité par un débauchage orchestré d'un grand nombre de ses salariés (20 démissions en moins de 2  mois). Pour en établir la preuve elle avait obtenu une ordonnance du juge autorisant un huissier à procéder à des constats, notamment sur les téléphones professionnels mobiles de ses anciens salariés. Elle entendait ainsi produire à l'appui d'un éventuel procès en concurrence déloyale des SMS échangés par les intéressés avec d'autres salariés et des tiers. La cour d'appel de Paris avait partiellement confirmé l'ordonnance et rejeté la demande de la société concurrente qui invoquait le caractère déloyal de la preuve tirée de ces SMS. Le pourvoi formé par ladite société est sur ce point rejeté par la chambre commerciale de la Cour de cassation.

Présomption du caractère professionnel des SMS

La Haute Juridiction décide que les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifés comme étant personnels. Ils peuvent dès lors être valablement produits en justice par l'employeur et ne constituent pas un mode de preuve déloyal. La chambre commerciale reprend ainsi l'avis de la chambre sociale qu'elle avait préalablement sollicitée.
 
La solution retenue est à rapprocher de celle adoptée par la chambre sociale pour le contrôle des courriels reçus ou envoyés par un zsalarié au moyen de sa messagerie professionnelle : ces derniers étant présumés avoir un caractère professionnel, l'employeur peut les ouvrir, hors la présence de l'intéressé, si celui-ci ne les a pas identifiés comme étant personnels (Cass. soc. 15-12-2010 n° 04-48.025 : RJS 12/06 n° 1241 ; Cass.soc. 10-5-2012 n° 11-13.884 : RJS 7/12 n° 611); Même une clé USB appartenant au salarié est présumée utilisée à des fins professionnelles dès lors qu'elle est connectée à un outil informatique de l'entreprise (Cass. soc. 12-2-2013 n° 11-28.649 : RJS 4/13 n° 252).

En résumé, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, la présomption du caractère professionnnel s'étend à tous les outils mis par l'entreprise à la disposition du salarié pour les besoins de son travail. Mais il s'agit d'une présomption simple. Le salarié qui a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée (Cass.soc. 2-10-2001 n° 99-42.942 : RJS 12/01 n° 1394), peut faire obstacle au libre contrôle de l'employeur par une identification du caractère personnel de ses fichiers, mails ou SMS.

Identification d'une SMS comme "personnel"

Dans son pourvoi, la société soupçonnée de débauchage faisait valoir qu'il était en pratique impossible d'identifier comme "personnel" un SMS envoyé par une téléphone mobile car de tels messages  ne comportent pas de champ "objet". Mais, même s'il en est effectivement ainsi sur la plupart des téléphones mobiles, il devrait toutefois suffire qu'un SMS commence par la mention "personnel", "privé", "message personnel" ou "message privé", pour qu'il soit identifié comme tel. La Cour de cassation ne l'ayant pas précisé formellement, à l'occasion du litige qui lui était soumis, un doute subsiste.

Limites du contrôle d'un SMS non identifié "personnel"

Si l'employeur peut librement consulter les SMS non identifés comme personnels envoyés ou reçus par ses salariés au moyen de leur téléphone portable professionnel, il ne peut pas en invoquer le contenu à leur encontre si celui-ci s'avère relever de leur vie privée (par exemple échange de propos intimes, sans rapport avec leur activité professionnelle, entre deux salariés entretenant une relation amoureuse). Cette solution a déjà été retenue pour le contrôle des fichiers informatiques enregistrés sur l'ordinateur de travail du salarié (Cass. soc. 5-7-2011 n° 10-17.284 : RJS 10/11 n° 745). Jugé en revanche qu'un message envoyé par un salarié, aux temps et lieu du travail, sur le téléphone portable professionnel d'une de ses collègues, et ayant un rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé et peut être retenu au soutien d'une procédure disciplinaire (Cass. soc. 28-9-2011 n° 10-16.995).

Portée du règlement intérieur

Dans son avis du 13 novembre 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que les conditions de contrôle par l'employeur des SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen de son téléphone portable professionnel s'appliquent même si le règlement intérieur de l'entreprise interdit au personnel d'utiliser les outils de communication de cette dernière à des fins personnelles. C'est la une conséquence du droit du salarié au respect de l'intimité de sa vie privée, même au temps et au lieu de travail. En revanche, le règlement intérieur peut restreindre le pouvoir de l'employeur en lui imposant de ne consulter que les SMS qu'en présence du salarié même s'ils n'ont pas été identifiés comme personnels. Une telle solution a déjà été retenue pour le contrôle de messages électroniques (Cass. soc 26-6-2012 n° 11-15.310 : RJS 10/12 n° 761).

 



 

 



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