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Le courtage peut-il résister à la réglementation ? Comme le secteur de l’assurance dans son ensemble, le courtage fait les frais d’une réglementation accrue depuis plusieurs années. Avec un pouvoir relatif face aux instances dirigeantes, le métier va devoir se retrousser les manches pour résister. Le moins que l’on puisse dire c’est que le métier de courtier n’est pas épargné depuis ces derniers mois. Entre un contexte économique difficile, une concurrence accrue ou des guerres internes au sein des syndicats, la profession traverse toutes les tempêtes, avec, pour corser le tout, une réglementation toujours plus lourde comme épée de Damoclès au-dessus de la tête. En effet, depuis quelques temps, les exigences réglementaires s’accumulent pour le courtage : PRIPs, ANI, DIA 2, Solvabilité 2, loi Alur, loi Hamon… Les dossiers ne manquent pas… “On est arrivé à un point où on ne s’en sort plus”, témoigne un courtier “de proximité” mécontent. “Même avec le Bipar (ndlr : Fédération européenne des intermédiaires d’assurances) on n’arrive pas à se faire entendre. On nous rajoute une nouvelle règle toute les semaines, jusqu’à ce qu’on en crève…”, ajoute-il. “Prenez l’exemple du rapport Combrexelle (ndlr – portant sur la représentativité patronale), quand ça vous tombe dessus, il faut tout reprendre à zéro, c’est un travail considérable qui prend le pas sur tout le reste”, indique un autre courtier sous couvert d’anonymat. “Aujourd’hui, tout le monde à les mêmes problématiques règlementaires et financières. On ne devrait même pas différencier petits, moyens et grands courtiers”, expliquait quelques jours avant son élection à la tête de la CSCA, Hervé Houdard. Petits courtiers en danger Si l’ensemble de la profession est impactée, les petits courtiers sont ceux qui paieront le plus lourd tribut sur des problématiques de marché. “Évidemment, la réglementation pèse sur l’avenir. Certaines directives provoqueront un choc financier pour certains”, affirme Michel Pinet, vice-président du courtage de proximité à la CSCA. “Avec l’ANI, 80 à 90% des courtiers de proximité pourraient être privés d’une partie de leur activité. Pour ce qui est de la loi Hamon, il y aurait de gros remous les premières années mais cela se stabilisera ensuite. Évidemment il y aura une hausse du coût de gestion pour les assureurs et donc une hausse de tarifs pour les clients”, poursuit-il. “Le fond du problème, c’est qu’il n’y a pas d’ouverture face à toute cette réglementation, et pour récupérer le chiffre d’affaires perdu la concurrence est rude”. La mise en conformité des petits cabinets, parfois longue et compliquée à cause d’un manque d’information ou de personnel, fait aussi peser le spectre du contrôle sur la profession. “Il y a des rencontres entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR), et les organisations représentatives des courtiers, mais peut-être pas assez nombreuses”, explique Laurent Ouazana, secrétaire général du Syndicat 10. “Ces rencontres sont pourtant indispensables pour communiquer sur les recommandations et les bonnes pratiques, sur le partage des problématiques au quotidien dans l’exercice de la fonction. Il faudra sans doute les multiplier à l’avenir”, lance-t-il. L’environnement règlementaire est tel, que la pratique du métier est aujourd’hui en pleine mutation pour résister. “Certains intermédiaires n’ont plus d’autre choix que de se diversifier ou de réduire la voilure sur certaines de leurs activités pour pouvoir continuer à exercer dans de bonnes conditions”, explique un juriste du secteur dans les allées du dernier congrès de la CSCA. “Entre nous, Solvabilité 2 va venir balayer les acquis. Chaque assureur ne pourra avoir recours qu’à un seul intermédiaire inscrit à l’Orias (ndlr – Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance) dans la catégorie de son activité. Je ne parle même pas du reporting que les courtiers doivent faire pour les assureurs. La plupart sont empêtrés dans des tâches administratives qu’ils ne comprennent même pas. Il est déjà trop tard pour certains”. Entre hausse du volume d’informations demandées, mise en place d’une plus grande transparence et contraintes de gouvernances, la réglementation qui touche le monde du courtage aujourd’hui, pourrait donc d’avantage mettre à mal une profession déjà éprouvée et qui doit retrouver les armes pour défendre ses intérets. Thierry Gouby News Assurance pro le 11 Juin 2014. |